Dans cet article, nous allons passer en revue 10 sagas publicitaires dans lesquelles la star de la pub TV est le dirigeant de l’entreprise en personne. Nous répondrons aux 2 questions fondamentales : pourquoi cette stratégie ? et est-ce que ça marche ? C’est parti.
Pourquoi mettre en scène le dirigeant dans une pub TV ?
Faire du dirigeant la star des pubs TV est une pratique courante aux Etats-Unis. Si l’exercice est moins fréquent en France, on compte de belles réussites que nous allons voir.
Utiliser l’image du fondateur ou du dirigeant pour communiquer peut s’avérer une stratégie payante. Pourquoi ? Parce que le dirigeant véhicule 4 valeurs fortes dans l’imaginaire collectif. Tout d’abord, l’engagement : le fondateur, c’est celui qui met ses tripes sur la table et qui vit par et pour sa société. Ensuite, le dynamisme : un fondateur est un entrepreneur et un entrepreneur est dynamique. CQFD. Puis, la proximité : quand le dirigeant vous parle, il crée un lien, une incarnation. L’entreprise passe du statut d’entité à celui de personne. Et enfin, l’audace : l’entrepreneur, c’est celui qui a des idées disruptives et crée de nouveaux concepts.
Est-ce que c’est efficace ?
Oui et non. Oui, parce que certaines pubs TV avec le dirigeant se révèlent bien plus efficaces que celles sans dirigeant : elles captent davantage l’attention, entraînent une meilleure mémorisation et renforcent le message.
Non, parce que tous les dirigeants ne sont pas taillés pour le job. Dessinons le profil idéal : le dirigeant est un bon communicant, charismatique et télégénique. Il est entier et authentique : on oublie le côté tout lisse et politiquement correct. Il a l’art de captiver son auditoire et il délivre un message pertinent. Je sais, ça fait beaucoup de cases à cocher.
Passons maintenant à la pratique avec 10 sagas publicitaires dans lesquelles le dirigeant est le héros.
Wonder & Bernard Tapie
Quand il rachète l’entreprise Wonder en 1984, Bernard Tapie se met en scène dans une pub TV pour illustrer la performance de ses piles. Côté communication, c’est un coup de maître : dans les années 1980, Bernard Tapie bénéficie d’une aura sans pareil. Figure mythique du monde des affaires, il est très connu du grand public pour lequel il incarne un dirigeant de rupture, entier, décomplexé et, surtout, ultradynamique. Quoi de mieux pour des piles ?
Afflelou & Alain Afflelou
Quand Afflelou lance sa 1ère campagne TV en 1986, c’est Alain Afflelou en personne qui incarne l’Opticien nouvelle génération. Et pourquoi pas ? Ce sont les années 80 et le public raffole de cette nouvelle génération d’entrepreneurs audacieux et dynamiques. Ça vous rappelle quelqu’un ?
Alain Afflelou ne sera pas la seule figure des campagnes publicitaires de la marque. Il n’empêche : dès qu’il s’agit de lancer un nouveau concept (la location de lentilles de contact), une innovation (les verres 2AI) ou une promesse prix (contrat prix, Tchin Tchin), c’est lui qui s’engage personnellement.
KFC & Le Colonel Sanders
Le vrai colonel Sanders, fondateur de KFC, est mort en 1980. Ce qui n’empêche pas la marque de le mettre en scène à tout va dans ses pubs TV. Le sosie est évidemment doté d’une chevelure toute blanche, d’un costume tout blanc (la marque de fabrique du vrai Colonel Sanders depuis les années 50) et d’une moustache toute blanche. La figure originale du Colonel Sanders colle parfaitement aux valeurs défendues par la marque. Le personnage du grand-père véhicule l’authenticité, le bon goût d’antan, les vraies valeurs (“c’était mieux avant”). Il est un peu grognon et sévère donc intransigeant sur la qualité. Mais il est aussi suffisamment déjanté (ski nautique sur des troncs d’arbre, un bucket de poulet à la main) pour donner une image jeune et attachante. Bref, c’est bien joué.
Benetton & Luciano Benetton
C’est en 1963 que Benetton ouvre sa première boutique à Milan. Des 2 frères fondateurs, c’est Luciano Benetton qui devient la figure publique de l’empire du pull. En 1987, Luciano Benetton est tellement connu, qu’il fait de la pub pour une autre marque (American Express). Hors-propos ? Pas vraiment. La publicité American Express par Benetton relève de la pub croisée. Tout le message de la célèbre marque de pulls y est : laine naturelle, vaste choix de couleurs, qualité… Son fondateur apparaît comme l’archétype du patron sympa : celui qui a réussi tout en restant humble, naturel et drôle. Parfait, non ?
Yaourts Siggi & Siggi Hilmarsson
Le fondateur des yaourts Siggi, Siggi Hilmarsson, fait partie intégrante du ‘storytelling’ de la marque : un islandais vivant à New-York qui cherche à créer un yaourt moins gras et moins sucré, mais tout aussi savoureux. Tellement savoureux que la société est rachetée par Lactalis en 2018.
Tout naturellement, la pub TV des yaourts Siggi met en scène son fondateur et dirigeant. Pourquoi ? Parce qu’il est Islandais (idéal pour illustrer un produit naturel sans compromis : l’Islande c’est une nature pure et intransigeante), qu’il a l’accent islandais (presque charmant) et qu’il fait jeune (un petit côté viking ?). Est-ce que ça a marché ? Je serais curieuse de le savoir.
Les champions toutes catégories de la pub TV avec dirigeant : les américains
Pizzas Papa John’s & John Schnatter
Papa John’s, c’est le n°4 mondial de la pizza à emporter/en livraison. Son emblématique fondateur, John Schnatter, a commencé à fabriquer des pizzas dans l’arrière boutique de son père pour se retrouver, 35 ans plus tard, à la tête d’un empire d’1 milliard de $. Côté storytelling, c’est imparable. L’image de John Schnatter est indissociable de celle de Papa John’s : il figure sur le logo de l’entreprise, les boîtes de pizza et dans 47 spots TV de la marque. Et ça paie : les spots TV avec John Schnatter sont 60% plus efficaces que les spots TV sans John Schnatter. Un succès fou. Jusqu’à ce que le bouillonnant fondateur soit débarqué en 2018 pour propos racistes et que son image soit gommée de tous supports. C’est le risque de la stratégie du ‘tout-fondateur’.
Bières Samuel Adams & Jim Koch
Encore une belle histoire que celle du brasseur américain Samuel Adams. En 1980, Jim Koch fait du tri dans son grenier quand il tombe sur une recette familiale : celle de la bière que faisait son arrière-grand-père. Il la reproduit dans sa cuisine et le résultat est tel qu’il en fait un business. 35 ans plus tard, le brasseur réalise un chiffre d’affaires d’1 milliard de dollars. Tiens, ça me rappelle quelque chose.
Ne vous fiez pas à son air de gentil père de famille. Jim Koch est un homme d’affaires déjanté et fondamentalement authentique, ce qui a contribué à faire de ses campagnes publicitaires des éléments clés de la croissance de l’entreprise.
Voitures Chrysler & Lee Lacocca
Lee Lacocca est une figure de proue de l’industrie automobile américaine des années 80. Ingénieur diplômé de Harvard, il rejoint Chrysler en 1979. Le constructeur est alors au bord de la faillite. C’est lui qui va remettre l’entreprise sur les rails. Ou devrais-je dire sur les routes ? Figure paternaliste, bénéficiant d’une image de patriote, sauveur d’emplois, il incarnera la marque dans plusieurs campagnes publicitaires avec son fameux slogan : « If you can find a better car, buy it« . La première pub TV avec Lee Lacocca date de 1980.
Restaurants Wendy’s & Dave Thomas
Le recordman du dirigeant ayant figuré dans une pub TV le plus de fois est Dave Thomas de Wendy’s : avec pas moins de 200 spots TV à son actif. Côté efficacité de la stratégie, ça en dit long. Pour l’originalité des campagnes, on repassera. Toutefois, Dave Thomas incarne à merveille le self-made man resté humble, le travailleur insatiable, fidèle à ses valeurs. Les pubs le mettent en scène dans son jardin en train de cueillir les tomates pour le restaurant, en salle en train de servir les clients ou en cuisine en train de mettre au point une nouvelle recette. Vous vous souvenez des valeurs clés véhiculées par les fondateurs ? Engagement, proximité, dynamisme… C’est l’exemple parfait.
La pub TV avec dirigeant la plus drôle : Columbia
Columbia & Tim et Gert Boyle
Dans la famille Boyle, Tim (le fils) et Gert (la mère) sont les héros de campagnes publicitaires jubilatoires où les 2 protagonistes jouent leur rôle à merveille. Voici l’histoire : à 13 ans, Gert Boyle fui l’Allemagne nazie avec sa famille et arrive aux USA. En 1970, elle reprend les rênes de l’entreprise textile créée par ses parents : Columbia. Quelques années plus tard, c’est son fils qui devient PDG alors que Gert prend la présidence du Conseil d’administration qu’elle occupe jusqu’à son décès en 2019 à l’âge de 95 ans.
Quelle conclusion en tirez-vous ? Gert était une pionnière (femme PDG dans les années 1970 ?) tandis que Tim est un héritier. Talentueux gestionnaire certainement, mais héritier. Mauvais pour l’image ? Ce n’est pas ce que dit la pub.