Portées par le succès de Marie Blachère, les chaînes de boulangeries artisanales prolifèrent. Installation en périphérie, mise en scène théâtrale, baguettes toujours chaudes et croustillantes, promotions alléchantes : toutes les enseignes – ou presque – appliquent les mêmes recettes. En près de 20 ans, le succès du pionnier Marie Blachère a entraîné nombre d’entreprises dans son sillage. Qui sont ces concurrents et à quel point menacent-ils l’actuelle hégémonie du leader ?
Marie Blachère : pionnier et leader des chaînes de boulangeries artisanales
Créé en 2004, Marie Blachère est le leader incontesté des chaînes de boulangeries artisanales. Son succès est tel que ses pratiques, comme la promotion 3+1 sur les baguettes, sont devenues des standards incontournables pour les nouveaux entrants. Outre un concept parfaitement ficelé, Marie Blachère a compris que, sur ce marché ultra-frais et ultra-local du pain, le maillage du territoire est clé. Et en quinze ans, l’enseigne a construit un réseau dense qui lui permet de toucher les clients partout en France. Forte de 700 boulangeries, Marie Blachère s’est ainsi donné une très confortable avance sur ses concurrents. Mais en seconde ligne, les n°2 et n°3 sont au coude à coude.
Ange : le n°2 des chaînes de boulangeries mise sur Internet
Parti à l’assaut du marché en 2008, Ange est le n°2 des chaînes de boulangerie en France. Si l’enseigne compte 3 fois moins de points de vente que Marie Blachère, le réseau est amené à grandir à vitesse grand V. Pour la seule année 2023 l’enseigne vise 35 nouvelles ouvertures et prépare son arrivée en plein cœur de Paris prévue pour septembre. En parallèle, Ange mise avec succès sur sa présence en ligne pour accroître sa notoriété : ses pages Facebook et Instagram comptent quasiment autant d’abonnés que le leader et l’enseigne avait été la première à proposer une application mobile pour faciliter les commandes en ligne.
Boulangerie Louise : une stratégie d’implantation ultraconcentrée
Le n°3 du marché est également le plus récent du trio de tête. La chaîne de boulangeries Louise a été créée en 2010 et compte déjà plus de 130 points de vente. Mais quand Ange répartit ses points de vente sur l’ensemble du territoire, en concurrence frontale avec Marie Blachère, Louise adopte une stratégie très différente. Née à Roncq dans le Nord, l’enseigne s’est développée autour de son point d’origine et progresse peu à peu vers le sud. Une progression qui va très certainement s’accélérer. Seule chaîne des 3 à avoir été créée par un acteur de la boulangerie industrielle (le groupe Menissez), l’enseigne a été rachetée fin 2022 par le groupe TERACT (Xavier Niel, Mathieu Pigasse). Ambition affichée ? Faire de Louise un leader de la boulangerie artisanale. Les concurrents n’ont qu’à bien se tenir.
Si la création d’une chaîne de boulangeries est un exercice long et gourmand en capitaux, cela n’empêche pas d’attirer les candidats. Et comme le trio de tête est déjà bien installé, les nouveaux entrants ne peuvent se contenter de copier le concept à l’identique. Pour trouver un tant soit peu d’originalité, il faut donc se tourner du côté des challengers.
Feuillette : la chaîne de boulangeries haut-de-gamme
Si l’appellation boulangerie est très réglementée, celle de pâtisserie ne l’est quasiment pas. C’est donc sur ce créneau que s’est positionnée l’enseigne Feuillette. On reproche à la concurrence leurs desserts industriels ? Feuillette mise sur les pâtisseries maison. Et pour cause : son cofondateur a fait ses armes de pâtissiers chez Pierre Hermé et au George V. Fort de son réseau, il collabore avec Angelo Musa – Chef Pâtissier du Plazza Athénée – et se fait connaître en participant au programme TV “Mon gâteau est le meilleur de France”.
Chez Feuillette, exit les décors post-industriels que l’on retrouve partout ailleurs. Ici, les clients sont reçus dans une ambiance cosy aux airs de maison de famille. Une stratégie du haut-de-gamme qui a un prix. Ouvrir une boutique Feuillette nécessite un investissement proche du million d’euros – contre 600.000€ pour les leaders. Mais qui promet également un chiffre d’affaires conséquent : 1.8M€ – contre 1M€ chez Marie Blachère. Côté réseau, la chaîne compte aujourd’hui 54 boutiques majoritairement présentes sur la moitié nord de la France. Ambition affichée ? Arriver au seuil des 100 boutiques.
Firmin : boulangerie et grillades sous le même toit
Firmin est probablement le concept le plus hybride de toutes les chaînes de boulangeries. Au sein d’un même point de vente, baguettes et viennoiseries cohabitent avec steak-frites et autres grillades. Etonnant ? Certes, mais loin d’être dénué de bon sens. Si Firmin a compris une chose, c’est que snacking et restauration sont une mine d’or pour développer le chiffre d’affaires. Plutôt que de s’arrêter à l’offre classique de sandwiches, la chaîne s’inspire de la restauration rapide. Avec des plats chauds traditionnels à prix compétitif, Firmin a créé une offre unique en son genre. Pour déployer son concept, l’enseigne propose 2 formats. D’un côté, la grande surface de vente allant jusqu’à 300 m², où toute l’offre est présente. De l’autre, le Kiosque : une sorte d’Algeco modulaire et déplaçable, à destination des zones moins densément peuplées. La chaîne compte aujourd’hui 50 points de vente, dont la moitié en franchises.
Le Pétrin Ribeïrou : une des plus anciennes chaînes de boulangeries
L’histoire boulangère de la famille Séguy, propriétaire du Pétrin Ribeïrou, remonte au début des années 1940. Mais c’est en 1992 que Le Pétrin Ribeïrou prend son envol. Prenant le contre-pied de Banette, l’enseigne s’appuie non pas sur une baguette mais sur une recette de pain spécial qu’elle a mise au point quelques années plus tôt : le Ribeïrou. Ce produit phare, allié au développement de la franchise, lui permet d’atteindre 53 de points de vente en 2011. A partir de là, la croissance de l’enseigne connaît un coup d’arrêt. Déboires avec des franchisés (4 d’entre eux feront même sécession pour créer la chaîne de boulangeries « le Moulin de Païou »), concurrence accrue : Le Pétrin Ribeïrou a du mal à trouver sa place. L’enseigne, dont les boulangeries sont concentrées sur la côté méditerranéenne, réussira-t-elle à se relancer ?
Sophie Lebreuilly : le petit aux grandes ambitions
La réussite de la chaîne des boulangeries Sophie Lebreuilly montre qu’on peut partir après les autres (2014), reprendre les codes du marché (promo 3+1, 3 cuissons de baguettes…) et réussir à se faire une place. L’enseigne, qui se positionne sur la simplicité et la convivialité, se distingue par la rapidité de son développement et l’intérêt qu’elle suscite. En effet, il lui aura fallu moins de 5 ans pour que French Food (Class’Croûte) entre dans son capital. Forte de cet appui, l’enseigne a fait l’acquisition en 2022 d’un réseau de 13 boulangeries, pour un parc total d’une quarantaine de points de vente. Alors qu’elle a déjà fortement structuré son organisation, Sophie Lebreuilly pourrait maintenant innover côté stratégie. Son cofondateur imagine décliner son concept dans de nouveaux formats plus petits en cœur de villes, des foodtrucks…
L’Atelier Papilles : la restauration à l’honneur
Pour ceux qui ne connaissent pas L’atelier Papilles, cette chaîne de boulangeries a vu le jour en 2000 sous le nom d’Histoire de Pains. Elle n’était alors qu’un terminal de cuisson (pain surgelé cuit sur place). Mais en 2019 son dirigeant opère un virage stratégique : il transforme l’ensemble des 27 points de vente en boulangeries, mise sur son offre de restauration et rebaptise l’ensemble L’atelier Papilles. Un pivot qui porte ses fruits : l’enseigne constate rapidement une croissance de son chiffre d’affaires. Pour aller au bout du concept, L’atelier Papilles propose une carte, renouvelée 2 fois par an. Bien entendu, il y a les incontournables de la boulangerie : sandwiches, salades et pizzas. Mais l’originalité tient dans ses poke bowl – oh combien tendances – et ses plats chauds comme les conchiglie aux écrevisses. Malgré une présence encore faible au niveau national (environ 30 implantations), l’enseigne semble taillée pour la croissance et vise les 100 points de vente d’ici 2025.
Le Fournil de Pierre : l’atout boulangerie du groupe Le Duff
La trajectoire du Fournil de Pierre évoque celle de l’Atelier Papilles. Quand l’enseigne naît en 1970, ce n’est alors qu’un terminal de cuisson, tout comme son concurrent et quasi homonyme de l’époque : Paul. Le réseau se développe jusqu’à son rachat en 1989 par le groupe Le Duff (Brioche Dorée, Pizza Del Arte). Mais en l’espace de 10 ans, les attentes des consommateurs changent et l’enseigne disparait. Inspiré par l’essor des Marie Blachère et concurrents, le groupe relance Le Fournil de Pierre en 2009, cette fois comme chaîne de boulangeries artisanales. Pain préparé sur place, atelier de fabrication visible depuis les verrières, produits en abondance, installation en périphérie : tous les codes du succès sont repris. Bien que l’offre de restauration soit des plus classiques (sandwiches, salades et quiches), Le Duff nomme son concept ‘boulangerie bistrot’. Malgré l’assise du groupe, le réseau de 20 points de vente n’a pas évolué sur les 2 dernières années. Dans ces conditions, difficile de connaître les ambitions de l’enseigne.
8 chaînes de boulangeries concurrentes de Marie Blachère, et ce n’est pas fini…
Nous venons de lister 8 concurrents de Marie Blachère et la liste n’est ni exhaustive, ni figée. Mais si les pratiques du leader sont devenus des standards incontournables, les pépites de demain devront faire preuve d’originalité pour réussir. Ce qui en soi ne devrait pas poser de problème. Qu’il s’agisse d’exploiter les faiblesses de la concurrence, de combler les attentes des consomm’acteurs ou de déplacer le terrain de jeu sur les réseaux sociaux, les créneaux porteurs ne manquent pas.
A quoi ressemblera la chaîne de boulangeries de demain ? Quelle stratégie lui permettra de conquérir un marché déjà très occupé ? La suite dans un prochain article.