Chaines de boulangeries

Comment expliquer le succès des chaînes de boulangeries ?

Depuis 2004 et l’arrivée de Marie Blachère, le succès des chaînes de boulangeries a révolutionné le paysage économique français. L’engouement est tel que 9 chaînes concurrentes sont déjà positionnées et que les nouveaux entrants se battent au portillon. Mais quelle recette magique a permis de créer une telle réussite ? On a décortiqué pour vous et on vous raconte.

Le marché de la boulangerie : les chiffres clés

Si le marché du pain attire autant les convoitises c’est qu’il est conséquent. A elles-seules, les boulangeries et boulangeries-pâtisseries artisanales réalisent un volume d’affaire annuel de 11 milliards d’euros, s’octroyant ainsi 55% du marché, loin devant la grande distribution et les terminaux de cuisson. Certes, le nombre d’établissements a drastiquement chuté depuis les années 70, passant de 55.000 à 33.000 aujourd’hui mais le secteur a affiché une progression de +31% entre 2010 et 2018.

Infographie le marché de la boulangerie

Et si le succès des chaînes de boulangeries n’avait rien de révolutionnaire ?

En analysant les facteurs du succès des chaînes de boulangeries, on trouve d’étranges similitudes avec des pratiques antérieures.

Implantation en périphérie des villes, places de parking gratuites, grandes surfaces de vente, large choix de produits, prix avantageux, promotions… Ça ne vous rappelle rien ? A y regarder de plus près, cela ressemble à l’émergence des hypermarchés dans les années 1960. Quand les 33.000 boulangeries de France privilégient les cœurs de ville, les chaînes misent sur les axes à fort passage. Pour s’assurer un trafic suffisant, elles ciblent en priorité les villes de plus de 50.000 habitants. Les centres-villes piétonnisent à tout va ? Les chaînes proposent des places de parking gratuites. Les boulangeries indépendantes ont de petites superficies qui limitent leur offre de produits ? Les chaînes comprennent que l’abondance favorise l’achat et agrandissent leur surface de vente. Et pour le coup de grâce, elles usent des promotions. Non seulement les offres « 3+1 » permettent de stocker les consommateurs mais, surtout, elles contrent la légendaire inflation du prix de la baguette.

Rien de révolutionnaire donc à ce niveau là, si ce n’est le pari de modifier les habitudes d’achat de pain des français. Comment les chaînes ont réussi à convaincre ?

Mise en scène théâtrale, fournil star : un concept des années 1970

Si les axes à fort trafic sont clés pour le volume d’affaires, ils ne sont pas propices au plaisir d’achat. Pour créer les conditions du succès, les chaînes de boulangeries vont s’inspirer d’un concept datant des années 1970. La solution tient en 2 mots : agencement et décoration. Et c’est l’enseigne Paul qui, à l’époque, avait été précurseur de la mise en scène. Le fournil n’est plus situé dans l’arrière boutique mais devient la star de la boulangerie. Idem pour les produits : plus besoin de se tordre le cou pour apercevoir les baguettes derrière le boulanger, les produits sont présentés en abondance sous les yeux des clients. En point d’orgue, la décoration ne laisse rien au hasard. Parfois industrielle, parfois rétro, toujours chaleureuse : les chaînes adoptent une thématique qu’elles déclinent à l’identique dans tous leurs points de vente.

Mais il ne suffit pas d’avoir l’air authentique pour être authentique. Comment les chaînes comme Marie Blachère ont réussi à reléguer les terminaux de cuisson au second plan ? En reprenant à leur compte un concept datant, cette fois, des années 1980.

Banette : la révolution boulangère des années 1980

Initiatrice de la vogue des chaînes de boulangeries, Marie Blachère a senti le vent tourner dès 2004. Exit les pâtons surgelés, vive le pain pétri et cuit sur place. A la clé ? De vraies boulangeries avec des baguettes de qualité dont la recette sera la même partout.

La bonne baguette de qualité constante quel que soit le point de vente, érigée en marque sur les devantures ? Oui, c’est bien le concept Banette de 1980. Avec plus de 2000 boulangeries adhérentes, Banette a révolutionné le marché. Mais alors que la charte Banette couvre uniquement la fabrication du produit, les chaînes de boulangeries poussent le concept plus loin. Pas question de créer une fédération d’indépendants. Non seulement le produit doit être identique, mais la façon dont on le vend ainsi que le décor dans lequel on le vend doivent être le même partout.

La réussite des chaînes passe par une maîtrise totale du concept. Un crédo qui n’est pas sans rappeler celui d’un géant de la restauration rapide : Mc Donald’s.

Recrutement, réseau, pratiques : l’inspiration Mc Donald’s

Quand Mc Donald’s lance son déploiement mondial au siècle dernier, l’enseigne ne laisse, elle non plus, rien au hasard. Et la légende veut que ce soit cette uniformité qui ait fait décoller la chaîne de restaurants. Mais la comparaison ne s’arrête pas là.

La cuisson en continu qui permet de proposer des produits toujours frais, mais aussi de maximiser les ventes et réduire les invendus. Les recettes imposées qui permettent de centraliser les achats et génèrent des économies d’échelle. Des bonnes pratiques qui relèvent du simple bon sens. Autre similitude : le profil des exploitants. Quand la logique voudrait qu’on prenne un boulanger pour tenir une boulangerie, les chaînes recrutent des entrepreneurs. Et pour cause : ouvrir une boulangerie Marie Blachère, Ange ou Louise coûte en moyenne 600.000€ (contre 150.000 pour une boulangerie indépendante). Pour convaincre les banques de vos chances de réussite, mieux vaut être un gestionnaire aguerri doublé d’un commercial hors pair.

Y a-t-il encore de la place pour les chaînes de boulangeries ?

Au risque de spoiler, la réponse est oui. D’une part, le marché est loin d’être saturé : en nombre d’établissements, les chaînes ne représentent que 4.4% du marché. Certes Marie Blachère a pris une sérieuse avance avec ses 550 boulangeries. Mais si on compare aux 1500 McDonalds, on comprend que le leader n’a pas encore écrasé le marché. D’autre part, nombreux sont les groupes industriels et autres minotiers à n’avoir pas encore créé ou repris d’enseigne. Et avec des marges brutes frisant les 70%, l’aventure est tentante. Enfin, le format de la franchise, très répandu sur le secteur, permet une expansion rapide à coût raisonné. Une opportunité pour des entreprises fortes localement et qui rêvent de dupliquer leur concept.

La guerre des boulangeries est loin d’être terminée.

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